Rapport annuel de la Cour des Comptes sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale

Dans son rapport, la Cour constate que « le déficit de la sécurité sociale a continué à se réduire, passant de -10,3 Md€ en 2015 à -7 Md€ en 2016, et ce sans nouvelle majoration de recettes et par un effort structurel. La dette sociale a poursuivi son reflux amorcé en 2015 ». Selon la Cour, « ces constats positifs témoignent que les actions entreprises obtiennent des résultats. Ils s’accompagnent cependant de la persistance de déficits élevés de l’assurance maladie et de l’assurance vieillesse. Le remboursement d’une partie de la dette sociale n’est toujours pas organisé ».

Considérant que le retour à l’équilibre des comptes a été décalé d’un an, de 2019 à 2020, la Cour estime que « des réformes sont non seulement nécessaires mais possibles, afin d’assurer un équilibre financier pérenne des comptes sociaux, en particulier de l’assurance maladie. Amélioration, qualité et sécurité accrues de l’accès aux soins vont de pair avec un renforcement de la maîtrise des dépenses d’assurance maladie, comme l’illustrent les constats de la Cour ».

La Cour recommande 5 axes de travail prioritaires :

« 1. Assurer un retour durable à l’équilibre financier et mettre fin à l’endettement social

Malgré les résultats positifs constatés en 2016, la situation financière de la sécurité sociale n’est pas encore assainie. La diminution effective des déficits s’avère moins importante qu’affiché, du fait de la prise en compte, à tort, d’une recette purement comptable. Si le reflux de la dette sociale s’est confirmé, celle-ci demeure à un niveau élevé (151,2 Md€ fin 2016, contre 156,4 Md€ fin 2015) et reste pour partie financée à court terme et exposée au risque de remontée des taux d’intérêt. La concentration des déficits sur l’assurance maladie, qui en représente les deux tiers, et sur l’assurance vieillesse, du fait du déficit important du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), fragilise la solidarité entre assurés sociaux et entre générations.

Le report à 2020 de l’objectif du retour à l’équilibre diffère une nouvelle fois cette échéance essentielle. Pour garantir la pérennité de cet équilibre une fois atteint, il importe de redéfinir le cadre du pilotage financier de la sécurité sociale. Améliorer la cohérence des lois de financement avec les lois de programmation des finances publiques et les lois de finances est à cet égard un impératif. L’interdiction d’un portage par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) de tout déficit d’origine structurelle et la mise en œuvre de mécanismes de mise en réserve de recettes en période de conjoncture favorable préviendraient le risque de reconstitution d’une dette sociale. Le rétablissement des comptes passe, en tout état de cause, par des mesures immédiates de redressement de l’assurance vieillesse, dont les perspectives se dégradent très sensiblement, et une maîtrise accrue des dépenses d’assurance maladie.

2. Réorganiser l’offre de soins

En 2016, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) a été atteint au prix de biais croissants qui en affectent la sincérité. Les dépenses ont augmenté en réalité de +2,2 %, au lieu de +1,8 % affiché, et devraient augmenter de +2,4 % en 2017, contre +2,1 %. Les marges d’efficience sont pourtant importantes dans le système de soins.

Les dépenses de médecine libérale de spécialité, faiblement régulées, sont en progression forte, continue et beaucoup plus rapide que celles des généralistes. De plus, les inégalités dans l’accès aux soins de spécialité sont majeures et se renforcent. Aux disparités territoriales croissantes s’ajoutent les obstacles financiers liés aux dépassements d’honoraires, plus répandus et en hausse substantielle. Le contrat d’accès aux soins censé les réguler a des effets limités pour un coût relativement élevé.

Enfin, l’essor de la télémédecine, encore marginale malgré le potentiel considérable qu’elle recèle, requiert une stratégie d’ensemble des pouvoirs publics et la mise en place d’un nouveau cadre tarifaire.

3. Renforcer la maîtrise des coûts du médicament

La politique du médicament a des résultats significatifs : en 2015, les dépenses de médicaments en ville sont revenues à leur niveau de 2008. Alors que de nouveaux médicaments très coûteux vont arriver sur le marché, des progrès restent nécessaires pour rééquilibrer la position de négociation des pouvoirs publics face à des entreprises mondialisées : renforcer les moyens très insuffisants de l’organisme qui négocie les prix, réviser les dispositions trop favorables aux entreprises, comme la garantie de prix européens, développer l’évaluation médico-économique et systématiser les révisions de prix des médicaments anciens, ainsi que la transformation des remises en des baisses de prix.

Les coûts de distribution (8,3 Md€ en 2015) représentent près d’un tiers de la dépense de médicaments remboursables dispensés par les pharmacies, et même la moitié pour les génériques. Il convient de réduire ces coûts en fondant les rémunérations versées par l’assurance maladie sur l’acte de dispensation au patient.

4. Réformer les aides aux familles

Conformément à leurs objectifs, la réduction en deux étapes successives de l’avantage fiscal lié au quotient familial, la modulation des allocations familiales en fonction des revenus et l’augmentation des aides aux familles monoparentales et aux familles nombreuses à faibles ressources ont eu de forts effets redistributifs. Le soutien financier aux familles n’est désormais plus globalement croissant avec les revenus.

Atteignant des résultats indéniables, la politique familiale, généraliste et aux ambitions multiples, laisse cependant subsister des situations qui pourraient justifier une action plus résolue, qu’il s’agisse de la mise en place d’une offre accrue d’accueil des enfants en bas âge, d’une réduction plus prononcée des situations de pauvreté sévère des familles monoparentales et nombreuses à faibles revenus, ou d’une prise en charge mieux assurée du coût du premier enfant.

5. Améliorer les performances de la gestion de la sécurité sociale

Les établissements de soins de l’assurance maladie (1 Md€ de recettes d’activité et 14 000 salariés) connaissent des déficits importants, pour partie masqués par les concours financiers que l’assurance maladie leur accorde, et qui découlent de coûts salariaux plus élevés que dans les autres établissements de même type. Au-delà des actions à engager pour assurer leur équilibre financier, il convient de soumettre au droit commun les conditions de financement de ces établissements et d’engager leur transfert vers la sphère de l’économie sociale et solidaire, où ils auraient plus naturellement leur place. »

> Cliquez ici pour consulter le rapport dans son intégralité.

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